À la conquête du dollar insaisissable de la diaspora africaine : le moment est-il venu de proposer un argument d’investissement panafricain ?

Alors que le Kenya espère lever jusqu’à 500 millions de dollars grâce aux obligations de la diaspora d’ici 2026, les performances passées des obligations nationales de la diaspora sur le continent doivent-elles susciter des inquiétudes ? L’AFIS examine si une coordination transfrontalière visant à promouvoir des projets panafricains plutôt que des projets d’infrastructure nationaux pourrait aider les États à attirer des capitaux provenant d’un groupe qui n’est pas encore pleinement convaincu par l’investissement en Afrique.

Par Oliver Nieburg, responsable du programme pour l’Africa Financial Summit – AFIS

Au cours des quinze dernières années, les obligations de la diaspora ont suscité beaucoup d’intérêt en tant que source innovante de financement permettant d’exploiter les plus de 50 milliards de dollars d’économies annuelles détenues par les citoyens africains vivant à l’étranger. Peu d’entre elles ont été émises, mais leurs résultats en Afrique ont en partie été inférieurs aux attentes.

L’émission obligataire de 300 millions de dollars destinée à la diaspora nigériane en 2017 a constitué une exception notable, atteignant et dépassant ses objectifs, ce qui a conduit cet État d’Afrique de l’Ouest à envisager d’émettre cette année une obligation de 500 millions de dollars destinée à la diaspora, ciblant les Nigérians et les descendants de Nigérians vivant aux États-Unis.

Mais depuis 2007, la faible notoriété du marché et le scepticisme international à l’égard des actifs africains ont entraîné une sous-souscription des obligations de la diaspora émises par des pays comme l’Éthiopie, le Ghana et le Kenya.

L’affinité patriotique ou la parenté avec l’Afrique ne suffiront jamais à attirer les investisseurs.

Certaines nations se sont tournées vers des obligations générales destinées aux infrastructures, auxquelles la diaspora peut participer, plutôt que vers des obligations dédiées à la diaspora, une approche qui permet de capter des investissements de la diaspora auparavant difficiles à obtenir. Le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD), d’un montant de 7 milliards de dollars, a par exemple été en partie financé par une obligation destinée aux infrastructures qui a permis de lever plus de 50 millions de dollars auprès de la diaspora.

Selon les discussions qui ont eu lieu à l’AFIS (une plateforme créée autour du Africa Financial Summit), les résultats pourraient être amplifiés en élargissant la définition de la diaspora et en vendant des opportunités d’investissement lucratives dans les infrastructures panafricaines, où le risque n’est pas concentré dans un seul pays.

Commercialisation de l’opportunité d’investissement panafricaine

La méfiance envers les gouvernements émetteurs et les risques perçus liés à l’investissement dans un seul pays africain ont contribué au succès limité des obligations de la diaspora. Les investisseurs craignent que les perspectives économiques moroses d’un pays africain émetteur n’entraînent un faible retour sur investissement.

L’affinité patriotique ou la parenté avec l’Afrique ne suffiront jamais à attirer les investisseurs. Les arguments économiques en faveur des obligations d’infrastructure doivent être convaincants.

Selon Fitch, la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) devrait permettre une augmentation de 4.2% du PIB africain d’ici 2035. Les projets d’infrastructures transfrontalières présentés comme une opportunité panafricaine lucrative pourraient donc être un moyen de renforcer la confiance des investisseurs.

La contribution de plusieurs pays à des projets transfrontaliers dans les domaines des transports, de la logistique, de l’énergie et des infrastructures numériques pourrait donner aux investisseurs de la diaspora l’assurance qu’ils acquièrent des actifs de qualité, en particulier s’ils sont soutenus par des garanties multi-étatiques.

Les États africains pourraient également réexaminer la question de savoir quelles personnes sont considérées comme des investisseurs de la diaspora..

De telles obligations panafricaines ou transfrontalières seront sans aucun doute complexes à mettre en place et nécessiteront la coopération entre différents États. L’Afrique n’est après tout pas un pays.

Pourtant, une approche collective intelligente pourrait permettre de réduire le déficit de 411 milliars de dollars en investissements dans les infrastructures et les équipements de transport nécessaires d’ici 2030 pour permettre les flux commerciaux intra-continentaux.

Les investisseurs cachés de l’Afrique : La diaspora que nous avons oublié de solliciter

Les États africains pourraient également réexaminer la question de savoir quelles personnes sont considérées comme des investisseurs « de la diaspora ». À ce jour, les obligations souveraines de la diaspora ont principalement ciblé les citoyens nationaux ou leurs descendants vivant à l’étranger.

Élargir la portée de la diaspora à toutes les personnes ayant une affinité avec l’Afrique ou une nation africaine pourrait élargir la base d’investisseurs.

Il ne s’agit pas nécessairement d’un Rwandais qui investit dans des actifs rwandais. Les Afro-Américains, les Afro-Caribéens, un investisseur né en Europe mais d’origine ivoirienne, des universitaires internationaux intéressés par l’Afrique ou des travailleurs étrangers ayant précédemment travaillé en Afrique sans lien ancestral pourraient être ciblés au même titre que les citoyens rwandais à l’étranger.

Mais les données sur ces communautés et même sur la diaspora traditionnelle (citoyens expatriés) font défaut. L’Angola, par exemple, a entamé en 2018 des discussions sur l’émission d’une obligation de la diaspora, mais ne disposait d’aucune information concrète sur sa diaspora pour aller de l’avant.

La mise en place de groupes de travail publics chargés d’élaborer des ensembles de données nationaux, mis à jour tous les deux ans, sur la communauté diasporique au sens large qui s’intéresse à l’Afrique pourrait constituer une première étape vers le renforcement des données. Cela pourrait ensuite alimenter une base de données panafricaine sur la diaspora, et la communauté pourrait être impliquée dans la participation à des obligations souveraines liées aux infrastructures et ciblée pour des opportunités d’investissement panafricaines plus audacieuses.

Un message personnalisé pour les sous-groupes

Les groupes de travail chargés des bases de données nationales sur la diaspora devront définir des stratégies d’engagement pour les sous-groupes au sein de la communauté, car la diaspora est loin d’être un groupe homogène. Un avocat afro-américain devra peut-être être approché différemment d’une personne issue de la diaspora disposant de moyens financiers et d’un niveau d’éducation limités.

Si les ensembles de données nationaux étaient combinés, les parties prenantes pourraient développer une communauté panafricaine de la diaspora sur les canaux de communication numériques, les impliquer régulièrement dans les questions qui intéressent la diaspora et les informer des opportunités offertes par les obligations d’infrastructure.

Ces données pourraient être partagées avec des organisations à but non lucratif de la diaspora africaine, afin que les opportunités d’investissement soient mises en avant via leurs canaux et leurs événements.

À ce jour, peu de pays ont réussi à émettre des obligations nationales destinées à la diaspora, à l’exception de l’Inde, d’Israël et du Nigeria.

Les opportunités d’investissement panafricaines, présentées de manière stratégique à un groupe plus large de la diaspora par des groupes de travail nationaux disposant de données solides, pourraient-elles inciter la diaspora à investir activement dans l’avenir économique du continent ?

Cet article s’appuie sur les enseignements tirés des précédentes sessions du Sommet financier africain, auxquelles ont participé les autorités des marchés financiers d’Éthiopie et d’Angola, Ecobank et l’International Finance Corporation (IFC).

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