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Faut-il limiter le mandat des CEO dans le secteur bancaire ?

Faut-il limiter le mandat des CEO dans le secteur bancaire ?
19 Oct 2022

Les plafonnements d’âge et limites de mandats sont peu courantes en Afrique pour les CEO et les administrateurs de banques, malgré certaines mesures gouvernementales imposées à l’industrie financière comme en Tanzanie et au Kenya. Pour ces postes à responsabilité, les restrictions ont deux objectifs : favoriser l’indépendance de la gestion et réduire le risque de népotisme ou de corruption grâce au renouvellement des décideurs.

Mais si les recherches sont limitées, certaines données sur les CEO de banques commerciales suggèrent à l’inverse que des mandats plus longs offrent de meilleures performances. Dans une étude indienne publiée en 2018 dans le International Journal of Financial Studies, des mandats prolongés pour les CEO des banques s’associaient à une amélioration notable de la qualité des actifs et des performances. Le mandat moyen des CEO des banques d’État et commerciales pendant toute l’étude, de 2000 à 2012, était pourtant de trois ans seulement.

Des quatre banques africaines Ecobank (Togo), Standard Bank (Afrique du Sud), Equity Bank (Kenya) et Attijariwafa Bank (Maroc), seule la première impose des restrictions aux CEO, dont un départ à la retraite à 60 ans au plus tard.

« Le conseil d’administration fixe la durée et les conditions du mandat en accord avec notre politique de retraite », explique Christiane Bossom, Responsable de la Communication du Groupe.

Âgé de 59 ans, Ade Ayeyemi est le Directeur général d’Ecobank depuis 2015. Jeremy Awori, Directeur général d’Absa Bank Kenya, s’apprête à présent à lui succéder.

Les autres banques n’ont pas répondu à nos demandes, mais il n’y existe officiellement aucune politique restrictive en la matière.

Une mosaïque d’approches et d’initiatives

Selon Marion Navarre, Directrice Conseil – Capital Humain au sein de Deloitte Afrique Francophone, la limitation des mandats des CEO et des administrateurs n’est pas une priorité réglementaire sur le continent, notamment en Afrique francophone.

Même en l’absence de mesures gouvernementales, elle rappelle que « de nombreuses entreprises souhaitent changer de CEO ou d’administrateurs tous les 3 à 5 ans, et au maximum tous les 8 à 10 ans, en fonction de leurs problématiques. »

Ailleurs, les Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance d’entreprise en 2021 montrent que les limitations réglementaires sont courantes dans de nombreux secteurs, surtout pour les sociétés cotées en bourse. De nombreux pays plafonnent la durée du mandat des administrateurs et de l’équipe de direction. Vingt-huit d’entre eux imposent aux administrateurs indépendants un mandat maximal allant de 5 à 15 ans, et le plus souvent de 8 à 10 ans. L’OCDE note qu’ils ne peuvent être poussés à la démission après cela, mais que leur indépendance peut être remise en cause.

En Israël, les administrateurs sont tenus de démissionner après neuf ans. À Singapour, ils doivent obtenir l’approbation des actionnaires passé le même délai. En Inde, leur mandat est limité à cinq ans, renouvelable pour cinq autres années en cas de résolution spéciale. Ils peuvent aussi se représenter après un délai de trois ans. L’Islande n’impose aucune limite, mais l’administrateur doit justifier de son indépendance. Il existe donc autant d’approches différentes que d’entreprises.

Limites des mandats dans les banques africaines

En Afrique, peu de pays imposent un mandat maximal. En 2010, la Banque centrale du Nigeria a plafonné à 10 ans le mandat des CEO des banques. En 2016, l’Autorité des marchés financiers du Kenya a imposé un âge limite de 70 ans aux administrateurs et CEO financiers. La Banque de Tanzanie a de son côté instauré un mandat maximal de 10 ans pour les CEO des banques.

Mais le contrôle du régulateur ne suffit pas toujours à assurer la conformité. James Mwangi, CEO d’Equity Bank, a par exemple prévu de rester en poste après 2032, après avoir atteint l’âge limite de 70 ans au Kenya et passé 28 ans à la tête de la banque.

Marion Navarre explique : « Au final, garder longtemps un CEO ou un administrateur performant ne pose pas de problème à la plupart des entreprises. Quel que soit le contexte réglementaire, l’expérience reste un atout précieux. » Le phénomène est plutôt courant : « Même lorsqu’il existe des règles, en pratique, certains restent vraiment plus longtemps que prévu. » Du fait de sa compétitivité, le secteur bancaire favorise au bout du compte les profils avec les bons réseaux au niveau local.

Quatre banques africaines

Ecobank, Togo
CEO : Ade Ayeyemi
Âge : 59
Depuis : septembre 2015 (six ans et huit mois)
Chiffre d’affaires annuel du groupe à son arrivée : 2,11 milliards de dollars (2015)
Chiffre d’affaires du groupe en 2021 : 1,8 milliard de dollars
Après 27 ans de service, ce diplômé de la Harvard Business School quitte le poste de CEO de Citibank pour l’Afrique subsaharienne et devient CEO d’Ecobank en septembre 2015. La banque a confirmé qu’il prendra sa retraite à 60 ans et a désigné le Kenyan Jeremy Awori pour lui succéder.

Attijariwafa Bank, Maroc
CEO : Mohamed El Kettani
Âge : 63
Depuis : 2007 (15 ans)
Chiffre d’affaires annuel du groupe à son arrivée : 881 millions de dollars (2007)
Chiffre d’affaires du groupe en 2021 : 5 milliards de dollars
Âgé de 63 ans et basé à Casablanca, ce conseiller du roi Mohammed VI du Maroc est CEO d’Attijariwafa Bank depuis 15 ans. Sous son pilotage, elle est devenue la plus grande banque du Maghreb.

Equity Bank, Kenya
CEO : James Mwangi
Âge : 60
Depuis : 2004 (18 ans)
Bénéfice annuel du groupe avant impôts à son arrivée : 218 millions de shillings (2004)
Bénéfice annuel du groupe avant impôts en 2021 : 5,1 milliards de shillings
James Mwangi, 60 ans, a prévu de dépasser la limite de 70 ans fixée au Kenya pour rester en poste après 2032. « Peter Munga et David Ansell sont partis à 75 ans » expliquait-il au Business Daily l’an dernier : « Je n’aurais aucun mal à faire de même lorsque viendra mon tour, mais j’ai encore du temps devant moi. » James Mwangi s’est retiré de toutes les filiales d’Equity Bank. À la tête de la société holding du groupe, il se concentre à présent sur les relations avec les actionnaires : « Ce rôle est ouvert à tous. »

Standard Bank, Afrique du Sud
CEO : Simpiwe K Tshabalala
Âge : 54
Depuis : 2013 (co-CEO – 9 ans) – 2017 (CEO unique – 5 ans)
Bénéfice annuel du groupe avant impôts à son arrivée : 28,608 millions de rands (2013)
Bénéfice annuel du groupe avant impôts en 2021 : 38,208 millions de rands
Simpiwe K Tshabalala devient co-CEO de Standard Bank, la plus grande banque du pays, en 2013 puis son CEO unique en 2017.

Président et administrateur non exécutif indépendant : Thulani Gcabashe
Depuis : 2003 (19 ans en tant qu’administrateur non exécutif indépendant) – 2015 (7 ans en tant que président du conseil d’administration)

Après l’obtention d’une dérogation réglementaire valable jusqu’en mai 2023, Thulani Gcabashe a été autorisé à dépasser la limite de neuf ans prescrite par le King Code et la directive 4 de 2018 de l’Autorité prudentielle de la SARB pour garantir l’indépendance des administrateurs non exécutifs. Le rapport 2021 de Standard Bank sur la gouvernance a conclu à son indépendance et à celle de son collaborateur Myles Ruck sur plusieurs critères : caractère, comportement, contributions aux délibérations du conseil d’administration et qualité du jugement.


Par Shane Starling