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#Rapports

Finance climat : comment sonner le glas de la pauvreté énergétique en Afrique ?

Finance climat : comment sonner le glas de la pauvreté énergétique en Afrique ?
30 Août 2022

75% de la population mondiale sans accès à l’électricité réside en Afrique, et la tendance pourrait s’aggraver au vu de la croissance démographique, d’autant que les investissements dans les infrastructures électriques ont régressé ces dernières années sur le continent. Pourtant, avec la baisse drastique du coût des énergies renouvelables, les besoins de financement pour permettre un accès universel à une électricité verte, abordable et fiable sont estimés à « seulement » 25 milliards $ annuels d’ici 2030[1]. La finance climat, qui englobe les instruments financiers consacrés aux projets d’atténuation (des émissions de gaz à effet de serre) ou d’adaptation au changement climatique, pourrait-elle couvrir ces besoins et changer la donne ? Le tout nouveau rapport coréalisé par l’AFRICA CEO FORUM et PHILAE ADVISORY livre six recommandations pour mobiliser la finance climat au service de la croissance africaine.

Comment l’Afrique peut-elle financer sa transition énergétique et atteindre l’accès universel à l’électricité ? A quelques semaines de la 27è Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP27), qui se tiendra du 7 au 18 Novembre à Charm el-Cheikh en Egypte, ces enjeux sont plus que jamais d’actualité. Fort de son énorme potentiel en énergies renouvelables et de l’explosion attendue de sa demande électrique, le continent suscite un intérêt croissant auprès des investisseurs étrangers. Mais pour réussir à capter l’épargne internationale, davantage de projets rentables doivent voir le jour. C’est l’un des écueils majeurs à surmonter, sachant qu’à l’heure actuelle moins d’un sur dix atteint la phase de clôture financière. Impossible d’y parvenir en l’absence d’une volonté politique forte, accompagnée d’une stratégie d’ensemble pour répondre aux besoins des populations et des entreprises…

#1 – Vers une planification réaliste et des cadres réglementaires propices
L’Accord de Paris requiert que chaque pays décrive les efforts qu’il déploie pour réduire ses émissions nationales et s’adapter aux effets du changement climatique, actions appelées Contributions déterminées au niveau national (CDN). En Afrique, ces plans climatiques souffrent souvent d’une mauvaise évaluation des besoins énergétiques, sans laquelle il est très difficile d’atteindre le niveau de production nécessaire. Outre la production, la planification doit également intégrer le reste de la chaîne de valeur de l’électricité (transport, distribution ainsi que le hors-réseau), afin d’assurer son bon acheminement vers les consommateurs finaux. C’est ce qu’indique Chris Flavin, Directeur du développement de Gridworks, interviewé pour la rédaction du rapport : « L’accélération des investissements dans les infrastructures de transport et les interconnexions régionales est essentielle pour accroître la part des énergies renouvelables. »Parallèlement à l’amélioration de la planification, la mise en place de cadres réglementaires équitables et prévisibles est elle aussi prioritaire. Ils doivent en outre réduire les incertitudes en matière d’accès au marché, d’obtention de licences, fixation des prix, etc. Créer des conditions qui limitent les risques politiques et réglementaires donc, mais aussi financiers…


#2 & 3 – Limiter les risques financiers : clé pour attirer les financements privés
Bien qu’elle soit la région qui pâtit le plus des effets du changement climatique, l’Afrique n’attire que 3% des financements climatiques mondiaux. Et sur les 21 milliards $ captés en moyenne en 2019-2020, 19 milliards $ provenaient de sources publiques, principalement des Institutions Financières de Développement (IFD). Les projets d’énergies renouvelables ont généralement des coûts de transaction élevés en raison de la complexité des études techniques, financières et juridiques nécessaires. Selon Linda Munyengeterwa, Directrice Régionale Infrastructure pour l’Afrique et le Moyen-Orient au sein d’IFC : « Il existe très peu de grands projets bien structurés d’atténuation ou d’adaptation au climat qui pourraient bénéficier d’un financement climatique. Pour jouer un rôle actif dans la création et le développement de projets de plus grande qualité, la SFI a adopté une approche « en amont » pour s’engager auprès des clients dès le début, bien avant que les projets ne soient entièrement structurés et développés ». Cet accompagnement vise en outre à définir une répartition équilibrée et bancable des risques. Les IFD devraient également jouer un rôle d’investisseur-catalyseur permettant d’améliorer les rendements et d’atténuer les risques en offrant un meilleur accès aux instruments tels que les garanties qui, malgré leur potentiel pour rassurer les financements privés, restent largement sous-utilisés. Toujours dans l’idée d’accroître la mobilisation de l’épargne mondiale, le Fonds Monétaire Internationale (FMI) pourrait jouer un rôle signal auprès des investisseurs internationaux en s’assurant que les ressources allouées aux pays à faibles revenus soient effectivement orientées vers des dépenses d’atténuation ou d’adaptation.


#4 – Capitaliser dès aujourd’hui sur le potentiel des crédits carbone
Entre 2020 et 2030 la demande mondiale de crédits carbone devrait passer d’environ 100 millions à 1,5 milliards de tonnes d’équivalent CO2 réduites ou évitées[2]. Alors que les crédits carbone constituent une source de financement additionnelle pertinente pour les investissements nécessaires à une croissance décarbonée, et en dépit de son potentiel d’évitement d’émissions de carbone comptant parmi les plus élevés de la planète, l’Afrique ne représente aujourd’hui que 1 % des crédits carbone émis dans le monde. Il s’agit donc, dès à présent, de mieux intégrer les marchés carbone « volontaires » en pleine évolution. L’accompagnement au processus de certification et le préfinancement des crédits-carbone sont des pistes pour soutenir l’accès des porteurs de projets à ces marchés. Il s’agit aussi de se préparer à l’opérationnalisation des mécanismes définis dans l’Article 6 de l’Accord de Paris qui visent notamment une coopération sur les efforts d’atténuation, tels qu’établis dans les CDN.


#5 & 6 – Gaz, technologie de stockage, hydrogène : dés éléments clés d’une transition énergétique juste
Les centrales au gaz n’accusant pas d’intermittence, elles permettent ainsi d’augmenter la part d’énergies renouvelables dans les systèmes électriques. Sachant que le gaz naturel génère environ deux fois moins d’émissions de carbone que le charbon, il est pertinent de l’envisager comme une énergie de transition en Afrique. La contribution des grands acteurs du financement de projets (publics comme privés) est en outre essentielle, à condition que ces projets soient inclus dans les CDN et démontrent leur capacité à s’inscrire dans une trajectoire à faible émission de carbone.

Le stockage de l’électricité permet quant à lui d’optimiser l’utilisation et l’efficacité du réseau électrique. Afin de mobiliser davantage de fonds pour des investissements dans le stockage, un cadre réglementaire spécifique doit être mis en place. Dans le même temps, les autorités doivent accélérer l’émergence d’une industrie de l’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables en créant des cadres appropriés et en aidant à surmonter les obstacles économiques initiaux, notamment liés au financement des infrastructures de production et de transport. Un ensemble de politiques telles qu’une tarification robuste du carbone ou la facilitation de l’obtention des droits fonciers et des autorisations et permis environnementaux sont d’une importance capitale. Les institutions financières de développement, par la mise en place de financements innovants, de garanties et d’assistances techniques auprès des autorités, ont, là encore, un rôle prépondérant à jouer dans cette ambition.

[1] Africa Energy Outlook 2022, International Energy Agency (IEA)

[2] Etude McKinsey pour la Taskforce sur le Scaling Voluntary Carbon Markets (TSVCM), 2021

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